Boudro
Par le truchement de l’artiste Boudro, New York nous saute aux yeux, nous saisit en passant et fait de nous des participants. Le pouls de ses tableaux est le bruit de la ville, et non seulement la cacophonie, mais aussi une sorte de bruit bâti de couleur, de mouvement et d’une narration constante et changeante. Il est peut-être un artiste pop au complet, influencé entre autres par Andy Warhol, Keith Haring, Roy Lichtenstein et James Rosenquist, mais sa muse perpétuelle est New York, ce qui fait de lui un romantique pure.
Le personnage principal de beaucoup de ses tableaux est le célèbre Checker Cab de New York. Au cours des premières visites de cet artiste montréalais dans la Grosse Pomme, il est devenu amouraché de cet icône de New York qui est depuis lors disparu de ses rues. Ces taxis jaunes sont devenus la vedette de ses compositions vivaces et électrifiantes – ils surgissent comme le héros colorié vivement et naïf d’une BD du dimanche matin. Et ils sont privilégiés dans le casse-tête de son art : un méli-mélo brillant et chaotique de la chaleur et des éclairs de New York, composé en forme de jeu de patience, le tout réuni sous la main d’un maître. Par exemple, l’un de ces tableaux affiche non seulement le taxi jaune, mais aussi les logos de Starbucks et de Coca Cola, qu’on reconnaît immédiatement, les marquises des pièces de Broadway qui font actuellement fureur, ainsi qu’une version BD du visage d’une femme prise dans l’un des mélodrames de la vie, à la Lichtenstein. Le tout est offert dans un collage intelligent et stimulant qui bouleverse la perspective – tout comme le fait le plus grand casse-tête du vrai New York. L’effet sur nous--le public--est à la fois étourdissant et provocateur, tout comme l’effet de la ville elle-même, même sur les résidents qui sont à New York depuis longtemps.
Boudro saisit le Sturm und Drang de la ville —ainsi que ses délices purs et bruyants—dans ses totems aussi : de grands tableaux étroits qui sont censés dépeindre les gratte-ciels et les rues en coulisse de New York. Le taxi jaune bienvenu paraît ici aussi, avec des éclaboussures de commercialisme, de caricatures et de logos. La bordure de ces tableaux est dépeinte en damiers noirs et blancs, encore un hommage aux vieux taxis et à la romance d’une ville qui disparaît.
Boudro met de l’ordre dans le chaos de la Grosse Pomme au moyen de ses mosaïques, composées de 25 carrés individuels organisés dans un grand carré parfait. On retrouve parmi ses pièces de théatres de Broadway, ses devantures de magasins et ses taxis habituels d’autres symboles du quotidien – une affiche de métro, un feu de circulation, un drapeau américain. C’est tout comme se tenir près du centre de Times Square, avec le fouillis de circulation, de publicité, de drame et de course après l’argent. Times Square est un quartier de New York qui ne se prend jamais trop au sérieux –il est ce qu’il est—et Boudro raconte cette histoire authentique dans ses grands murs de couleur et de forme. Dans les tableaux qu’ils nous présente et dans toute son œuvre, il rend vivante la culture populaire de tous les jours presque de l’œil d’un nouvel arrivant à New York-- Broadway, les foules, le magasinage, les Yankees—et il réussit à en faire une grande parodie sans s’en moquer, à demeurer accessible sans devenir superficiel.
Le culte de Boudro se propage rapidement. Il a un vaste public au Québec et aux Etats-Unis et se fait maintenant connaître en Europe aussi. Son tout dernier triomphe est une installation dans la boutique « flagship »Longchamp à SoHo / New York. Il a aussi eu une exposition tout dernièrement à Paris, a eu des expositions solo à New York et a reçu une commission de Novotel à New York pour créer une installation dans le hall de l’hôtel. L’artiste, ainsi que le collage d’images qu’il crée, apporte un amalgamme d’expérience à son œuvre—du marketing et de la conception industrielle en plus d’une formation complète en peinture, en sculpture et en sérigraphie, qui se combinent pour former son essence.
Voici le genre d’artiste qu’on trouve rarement – quelqu’un qui réinvente le familier, qui crée de la romance dans le quotidien, qui électrifie et branche ceux et celles qui s’arrêtent pour regarder. Il traite les scènes et les symboles reconnaissables d’une ville internationale, voit en eux les formes et les couleurs fondamentales et la force d’être humain—et nous renouvelle de fond en comble.
Traduction de l'article de Sarah Davis intitulé Boudro: New York Reinvented